Réforme du régime fiscal des droits d’auteur

Beyond - Corporate - News / 25 novembre 2022

Le 30 décembre 2022, la loi-programme portant, notamment, sur la réforme majeure du régime fiscal actuellement favorable aux droits d’auteur a été publiée aux annexes du Moniteur Belge.

La réforme est dès lors entrée en vigueur le 1er janvier 2023 (ainsi que certaines mesures transitoires).

Réforme du régime fiscal des droits d’auteur - Beyond Law Firm

1. Objectif de la réforme

L’objectif annoncé de cette réforme est de renouer avec l’esprit originel du régime spécial de taxation favorable propre aux droits d’auteur, à savoir qu’il avait vocation à s’appliquer aux professions artistiques souffrant de revenus irréguliers et intermittents. Dès lors, étaient alors visés, entre autres, les peintres, les auteurs, les musiciens, etc.

À cet égard, il est important de souligner que le Conseil d’État a lui-même critiqué la réforme en ce qu’elle ne permet pas d’atteindre un tel objectif. Nous ne percevons pas non plus dans quelle mesure la réforme rencontrerait un tel objectif.

2. Changements par rapport au régime actuel

Eu égard à la nature de la réforme et à son évolution constante, nous n’aborderons, dans cet article, que les principales modifications introduites par la réforme.

3. Champ d’application

Le changement le plus notable se rapporte au champ d’application du régime de taxation favorable. En effet, ses bénéficiaires devront désormais, soit posséder une attestation de travail des arts*, soit céder leurs droits d’auteur ou concéder une licence à un tiers, en vue de la divulgation de l’œuvre éligible à la protection par le droit d’auteur au public.

*Telle que visée à l’article 6 de la loi portant création de la Commission du travail des arts et améliorant la protection sociale des travailleurs des arts. Notons que cette loi constitue elle-même encore un projet de loi pendant devant la Chambre des représentants.

Conformément à l’exposé des motifs du projet de loi susmentionné, la Commission du travail des arts sera chargée de délivrer ou non l’attestation du travail des arts, sur demande du potentiel bénéficiaire. Par ailleurs, cette Commission aura également pour mission d’établir un cadastre réunissant les conditions d’octroi de ladite attestation ainsi que des exemples concrets de pratiques éligibles au bénéfice du régime de taxation favorable, dans le but d’assurer une interprétation uniforme. Nous tenons à souligner que cette Commission n’existe pas encore et que dès lors un tel cadastre n’est pas encore effectif.

Il y est toutefois d’ores et déjà précisé que pour prétendre à l’octroi de l’attestation du travail des arts, le demandeur doit être « une personne physique qui fournit une contribution artistique nécessaire à une création ou une exécution d’une œuvre artistique ».

Il s’agit d’une question de faits et le caractère artistique doit prévaloir, c’est-à-dire constituer le but primaire de l’activité.

À titre illustratif, vous trouverez ci-après quelques-unes des activités qui sont expressément exclues du champ d’application par l’exposé des motifs :

  • En raison du défaut de caractère artistique : la rédaction d’un contrat pour un groupe de chanteurs ; la gestion de l’administration, la programmation ou la communication d’un centre culturel ; la conception et la réalisation de la campagne de marketing d’un film ; la rédaction d’articles pour un magazine dédié aux voyages ; le management des relations publiques et des contrats avec la presse d’un artiste ; …
  • En raison d’une création ou d’une exécution artistique où le caractère artistique ne prévaut pas : enseigner ; dispenser des formations ; organiser des ateliers ; l’assistance administrative, commerciale, communicative, juridique, marketing, logistique, informatique ; photographier des portraits, des évènements privés ; la conception de dépliants publicitaires ; réaliser des vlogs ; tenir un blog ; créer des cartes de naissance ; tatouer ; créer des sites internet ; les activités en tant qu’influenceur ; la conception d’affiches ; …
  • En raison d’une création ou d’une exécution artistique dont le but premier est le divertissement : façonner des ballons de baudruche, le grimage ; appliquer des tatouages à paillettes ; …

Ceci présage l’exclusion de facto d’une majorité des professions productrices de droits d’auteur, à l’exception d’une minorité d’entre elles qui entrent dans le champ d’application matériel de la loi. Par conséquent, les services profitant à des particuliers ou s’inscrivant dans un contexte B2B ne seront pas éligibles au bénéfice du régime de taxation spécial.

Notons qu’à la suite d’un différend d’ordre politique, il a été convenu qu’il n’y aurait pas d’interprétation restrictive de la nouvelle réglementation fiscale et que, par conséquent, aucune profession ne serait explicitement exclue de son champ d’application. Or, eu égard au champ d’application considérablement réduit du nouveau régime fiscal, ce dernier aboutira néanmoins à l’exclusion de facto de nombreux professionnels. En outre, au vu du manque de clarté du compromis politique, il appartiendra hélas aux autorités fiscales de clarifier la situation.

4. Plafond absolu

Pour l’application du régime de taxation favorable, le plafond absolu de 37.500€ (montant non indexé) est maintenu. Cependant, ce régime fiscal ne s’applique pas pour une année X lorsque la moyenne annuelle des revenus issus des droits d’auteur perçus au cours des quatre périodes imposables précédentes excède le plafond absolu de 37.500€ (montant non indexé).

Exemple :

  • Revenus issus des droits d’auteur : 40.000€ pour la période imposable 2023.
  • Les revenus issus des droits d’auteur s’élèvent à 100.000€, 70.000€, 50.000€ et 60.000€ pour, respectivement, les périodes imposables de 2019 à 2022 ; c’est-à-dire que le revenu moyen pour les quatre périodes imposables précédant 2023 est de 70.000€, ce qui dépasse le plafond absolu de 64.070€ (37.500€ indexés).
  • Le régime fiscal favorable n’est donc pas applicable pour la période imposable 2023 et les revenus issus des droits d’auteur d’un montant de 40.000€ seront qualifiés et imposés en tant que revenus professionnels (avec une imputation du précompte professionnel déduit de ce montant).

5. Plafond relatif

Le texte de la réforme introduit un nouveau plafond relatif – notons qu’il s’agit de la codification d’une pratique existante – selon lequel le régime fiscal favorable ne s’applique pas lorsque le rapport entre la rémunération pour la cession des droits d’auteur et la rémunération totale (qui comprend la rémunération du service fourni) est supérieur à 30% (50% pour l’exercice d’imposition 2024 et 40% pour l’exercice d’imposition 2025, en tant que mesures provisoires). En d’autres termes, les revenus issus des droits d’auteur excédant ce ratio seront imposés comme des revenus professionnels. Ce pourcentage est particulièrement sévère pour les bénéficiaires survivants au nouveau régime en comparaison avec la pratique actuelle du Service des Décisions Anticipées en matières fiscales.

Exemple :

  • Un artiste cède ses droits d’auteur à un cessionnaire qui exploite ces droits et lui verse 45.000€ en contrepartie pour les droits d’auteur ainsi qu’une rémunération s’élevant à 30.000€ pour les services que l’artiste rend à la société du cessionnaire en tant que directeur artistique, soit un montant annuel total de 75.000€.
  • En appliquant le plafond relatif, le régime fiscal favorable est applicable à 22.500€ (30% de 75.000€) et les 52.500€ restants sont imposés en tant que revenus professionnels.
  • Si la rémunération totale avait été de 210.000€, dont 70.000€ de droits d’auteur, le plafond relatif de 30% serait respecté, mais le plafond absolu de 64.070€ (37.500€ indexés) serait dépassé. Dès lors, le régime fiscal favorable s’appliquerait uniquement aux 64.070€ (montant correspondant au plafond absolu) et les 145.930€ restants seraient imposés en tant que revenus professionnels.

6. Période transitoire

À titre de mesure transitoire, le régime de taxation actuel reste applicable jusque fin 2023 (exercice d’imposition 2024) pour les bénéficiaires usant du régime en 2022, sous réserve de deux limitations : la réduction de moitié du plafond absolu et la réduction équivalente des seuils correspondant aux frais forfaitaires déductibles.

État de la réforme au jour de la publication de cet article (04/01/2023) : La loi-programme a été publiée aux annexes du Moniteur Belge le 30 décembre 2022 et est entrée en vigueur entre-temps.

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Auteur : Thomas Daenen, Clara Camino-Garcia & Tim Bafort